Labyrinthe du Coeur. ▬ Magànyos

Son éternelle route solitaire ne faisait que continuer encore et toujours. Inlassablement. Il ignorait encore où il allait. Seulement, son chemin semblait peu à peu se dessiner. Depuis le temps qu'il tournait en rond, l'étalon avait pu enfin se raisonner. Ses idées restaient floues mais enfin, il était parvenu à penser convenablement. Il s'était plus ou moins décidé à abandonner ses doutes.

Magànyos était de ce genre de guerriers doutant lorsqu'ils n'avaient pu prouver leur valeur depuis un moment déjà. Cela faisait des mois qu'il croupissait à ne rien faire. S'en était honteux. Pourtant, il n'y pouvait rien. Il ne trouvait rien à faire. Son corps tout entier le ressentait. Il serait bon pour lui de faire un peu plus d'exercice.

Pourquoi s'était-il dirigé vers le Labyrinthe vert ? Il l'ignorait. Sans doute était-ce simplement l'envie d'un peu d'adrénaline. Oui, il voulait un peu d'aventure. Il voulait sentir de nouveau son cœur  palpiter face à un défi jamais vu. Il voulait être surpris. Sans doute voulait-il se sentir de nouveau vivant, aussi.

Devant lui apparu une silhouette qui lui était inconnue. Pie alezane aux formes rondes et généreuses. N'y prêtant guère plus d'attention, il continuait sa route. Le bai ne s'attendait à aucune invitation. Mais elle lui offrit ce qu'il attendait. Elle lui offrit ce défi. Et il le gagnerait, comme tous les autres. Monsieur n'aimait que la Victoire. Bien que se sachant peu endurant en cette période, il s'élança à sa poursuite.

Éclairé par ce soleil couchant, il galopait derrière elle entre les hautes haies. Peu à peu, son rythme cardiaque s'accéléra. Il enchaînait demi-tours et virages en tâchant de ne la perdre de vue. Voyons, il n'allait tout de même pas perdre, qui plus est face à une Dame.

Ses sabots s'enfonçaient dans le sol tendre du chemin. De chacune de ses foulées, il exigeait une forte propulsion. Son arrière main légèrement abaissée, il laissait sa masse s'y concentrer. Plus légers, ses antérieurs décollaient plus haut ; venant titiller son franc poitrail. Son encolure haute portée reflétait ses origines. Assurément, Monsieur était ibérique.

Ses naseaux dilatés laissaient échapper son souffle bruyant. Il le ressentait, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas ainsi défoulé. Ses muscles contractés le titillaient. Sans doute n'aurait-il dû souhaiter se pavaner, et se contenter plutôt de galoper comme un simple équidé. Sans doute n'aurait-il dû vouloir faire l'étalon. Seulement c'était plus fort que lui. Il n'avait pu résister à son appel. Cette pulsion était bien trop forte pour qu'il ne puisse l'ignorer.

Le jeu, c'était cela qui dirigeait sa misérable existence. Cette insatiable volonté de vivre au travers de la Victoire. Il se ruait sur chaque défi qui se présentait à lui. Il ne répondit pas à la pie lorsqu'elle lui demanda son nom. Impolitesse passagère de sa part. En réalité, l'étalon était bien trop pris à leur jeu pour prendre la peine de couper son souffle. D'autant plus que la Dame le menait à sa guise. Était-il donc si mauvais pour qu'elle doivent ralentir son galop afin qu'il la rattrape ? Lui qui pourtant avait réussi à obtenir un rythme soutenu, ne semblait bon qu'à faire des pirouettes.

Alors que la distance recommençait à se faire entre les deux équidés, le bai n'entendit plus frapper les solides sabots de sa partenaire. Elle semblait s'être arrêtée. Négociant le tournant en appui sur son arrière-main, quelle ne fut sa surprise lorsqu'il la vit ; coincée dans un cul-de-sac. Il renâcla, satisfait. La Victoire lui appartenait donc cette fois. Il repassa au trot, s'approchant sans plus se presser. Il avait certes manqué de se trouver à bout de souffle, le plaisir qu'il avait éprouvé à jouer de la sorte l'avait réjoui. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était senti aussi bien. Il s'arrêta devant la dite perdante.

_ Vous auriez pu me semer à maintes reprises. Pourtant vous ne l'avez pas fait et vous avez laissé la victoire vous échapper.

Les oreilles dressées, Magànyos l'observait avec intérêt. Cette jument attisait sa curiosité. Découvrir la Dame était un tout autre jeu qui s'offrait à lui. Oh, il en voyait de partout ; des jeux et des victoires. Tel était son fonctionnement. Vivre pour gagner. Il s'inclina respectueusement.

_ Mon nom est Magànyos. Puis-je connaître le votre ?

Il fit un pas en avant, penchant légèrement la tête sur le côté. Il avait bien envie de continuer à jouer avec elle. Rien ne l'assurait cependant qu'elle n'était pas déjà lassée.

_ Souhaitez-vous repartir ?