Drazbel attendait patiemment que l'enfant qui le brossait finisse. Au cours de ces six dernières années il avait eu le temps pour s'y habituer et développer une patience à toute épreuve. De toute façon s'énerver ne lui ressemblait pas c'est pour ça que les moniteurs le confiait aux débutants. Sans mord. Fallait pas non plus pousser mémé dans les orties hein, si on lui faisait mal, l'étalon avait de forte chance de peu apprécier. Actuellement il était plutôt tranquille. Une maman qui attendait sa fille avec une enfant de 4 ans dans les bras avait été conduite jusqu'à lui pour passer le temps. On lui avait ouvert la stalle et il en était sortie plutôt tranquillement pour se rendre là où on l'emmenait d'habitude.
Il se trouvait donc actuellement au soleil en train de se faire brosser pendant que son frère et sa sœur se chamailler, chacun dans une stalle situées l'une en face de l'autre. Silencieusement, Drazbel songea qu'ils avaient échappaient au pire puisque c'était lui qui avait piqué tout les gênes sur le gabarit et la taille. Oh, son frère serait grand à l'avenir, mais il resterait élancé, pendant que sa sœur serait plus petite mais beaucoup plus forte. Alors que lui même était grand et puissant, sans le caractère belliqueux des deux zigotos qui composaient sa fratrie, heureusement.
« A quoi penses-tu Drazbel ? »
L'étalon tourna la tête en direction de la voix et tomba sur les deux yeux doux de sa mère, une jolie jument pie isabelle. Les yeux rêveurs du fils ne la quittèrent pas alors qu'il répondait.
« A la chance d'être différent de Drazelia et Drazkross. »
Arkadia ne dit rien, se contentant de tourner la tête en direction des plus jeunes qui s'envoyaient des vacheries au visage. Drazelia n'avait que deux ans, mais ça ne semblait pas l'empêcher d'avoir un vocabulaire coloré. Allez savoir où diable elle l'avait entendu.
« Ça suffit vous deux ! » tonna le nouvel arrivant en arrivant aux côtés de sa compagne.
Arkane était dur mais juste, toujours profondément équitable envers ses trois enfants. Bien qu'avant d'avoir Drazelia et Drazkross, il n'avait eu que peu de raisons de hausser la voix sur son fils aîné. Sa robe était d'un noir profond. Un noir que son jeune frère avait toujours envié à leur père. Pourtant, son beau pie alezan faisait soupirer de nombreuse juments, ne manquant jamais d'attirer les moqueries de la plus jeune, qui elle arborait une robe pie palomino, beaucoup plus beau que l'alezan banal de son frère de son point de vu.
La fin de journée arriva bien vite et avec elle la fin de la saison du centre équestre. La petite fut menée avec le reste des chevaux du centre dans un jolie coin au nord de l'écosse, à cinq ou six kilomètres du lieu qu'ils venaient de quitter. Le pâturage était rempli d'herbe folle d'un profond vert émeraude, le tout accompagné de l'odeur salé de l'océan situé en contrebas de la falaise où ils étaient.
A peine avait il fait trois pas dans l'enclos qu'il se retrouva entre son frère et sa sœur, les deux continuant à se chercher des puces. Drazbel songeait vaguement à se faire payer pour les supporter chaque jour. Il était la Suisse, le terrain neutre qui ne recevrait aucun dégât. Et sa sœur et son frère étaient respectivement les États Unis et la Russie. Il faisait tampon entre les deux partis, allez savoir sur quoi ils débattaient d'ailleurs.
Ces deux là n'avaient aucune notion d'espace privé, collés à ses flancs comme deux moules à leur rocher, l'aîné se contenta d'un regard lointain vers l'horizon alors qu'il se trouvait au plus proche du bord de la falaise.
Tout ce passa ensuite très vite. Leurs parents s'étaient approchés, grondant les deux plus jeune. Drazbel fut donc le seul à voir se former de menaçants nuages noirs. Un vent plus fort que les autres le fit se retourner en hâte et il hennit un avertissement qui déclencha le chaos. Les chevaux partirent en vitesse du côté le plus sécurisé de l'enclos et il en fit de même sans jamais arriver à destination. Un éclair foudroya la terre devant lui et il fit un écart avant de se figer, terrifié par le son qu'il venait d'entendre.
La terre se fendit devant lui et avant même qu'il ne songe à sauter, il fut précipité dans l'océan agité.
« DRAZBEL ! » hurla une voix déchirée par la peur avant qu'il ne sombre dans les crocs glacés de l'eau d’Écosse.
L'étalon remonta à la surface, indemne mais désorienté dieu seul sait comment. Agitant tant bien que mal ses membres il essaya de se repairer. Il tourna la tête dans la direction d'une voix et aperçu sa sœur sur un affleurement rocheux juste au dessus de l'eau. Elle avait toujours été courageuse, un peu casse-cou aussi, mais actuellement ce n'était vraiment pas le moment.
« DRAZELIA ! » hurla t-il lorsqu'une puissante vague s'abattit sur elle.
Lorsqu'elle se retira, sa sœur avait disparu. Il se mit donc rapidement à la chercher, la trouvant à quelques mètres de lui lorsqu'elle refit surface en toussant. Il la rejoignit rapidement malgré les vagues qui faisaient tout pour les séparer, sursautant lorsqu'il reçu l'aide du reste de sa famille qui n'avaient pas hésité à sauter pour les rejoindre. Sa famille était folle.. mais il appréciait leur loyauté.
Malgré leur volonté, ils ne regagnèrent jamais le rivage et sombrèrent d'épuisement avant d'avoir pu se mettre en sécurité.
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Au vu de ses derniers souvenirs, Drazbel ne s'attendait pas à voir le jour se lever. Pourtant lorsqu'il cligna des yeux se matin là, il était bel et bien vivant. Trempé mais vivant. Et de ce qu'il pouvait voir, sa famille allait bien. Mais où avaient-ils atterris ?
« Vous êtes sur Falöna Synaë. » intervint une voix qui attira ainsi l'attention des cinq équidés.
Un étalon baie aux multiples cicatrices les fixait avec calme non loin de là.
« Je me prénomme Durandal. » reprit-il en s'approchant et ils répondirent à sa présentation.
L'étalon n'y alla pas par quatre chemins et leur expliqua clairement l'endroit où ils se trouvaient et l'état actuel des choses. Il leur détailla les différents camps avant de faire une pause sur les Falöniens, précisant leur importante méfiance vis à vis des étrangers.
« Tu ne l'es pas toi. » fit justement remarquer Arkane en se redressant, près à en découdre farouchement en cas d'attaque.
Mais Durandal ne fit que rire à cela.
« Je vous ai vu vous échoué, je sais parfaitement que ce n'est pas la félonne qui vous envoie ! » il s'arrêta et leur fit face « C'est tout ce que je peux faire pour vous, si jamais vous décidiez de rejoindre les Rhönins, n'hésitez pas à passer me voir. »
Et il partit ainsi, s'attirant un reniflement méprisant de Drazkross qui ne supportait pas l'attitude de l'autre mâle. Drazelia au contraire, laissa échapper un soupir énamouré. Eh bien, ça promettait.
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1 an plus tard, leur famille, petit groupe très soudée et s'étant adapté tant bien que mal à la vie sur l'île, subit une scission. Drazelia, dont le caractère c'était un peu plus affirmé, se disputait avec son frère sur les deux factions actives du conflit. L'une affirmait qu'il fallait rejoindre les Rhönins pour mettre à mal Pandore et avoir enfin une vie sans danger, pendant que l'autre glorifiait la déesse en insistant sur les bienfaits de la rejoindre ; si ils étaient de son côté, rien ne leur arriverait. Drazbel qui fixait le ciel sans rien dire jusque là s'approcha de ses cadets, ses sabots claquant sur le sol de pierre et coupant net les deux belligérants dans leur dispute.
Ils fixèrent leur frère sans comprendre, celui ci préférant rester en dehors de leurs conflits d'habitude. Toutefois ils frissonnèrent en croisant les yeux de l'étalon. Drazbel n'était pas content.
« Vos choix sont vos choix. Ne les imposaient pas aux autres. Maman, Papa et moi ne rejoindrons aucunes des deux factions. »
« Vous ne pouvez pas ! » s'outragea Drazkross en levant la tête, les naseaux frémissants d'indignation.
L'étalon pie noir souffla profondément dans sa direction, redressant l'encolure et relevant la tête sans le lâcher du regard. Son frère s'écrasa dans l'instant, tout comme sa sœur lorsque ses yeux glissèrent sur elle. Jamais encore ils n'avaient vu leur frère en colère, et force était de constater qu'ils ne voulaient pas le voir réellement fou de rage.
« Partez. » conclu Drazbel « Mais n'oubliez pas que nous sommes votre famille, vous aurez toujours une place auprès de nous. »
Les deux jeunes firent leurs au revoir aux membres de leur famille avant de s'en aller, leurs parents pleurant et priant pour que jamais ils n'aient à se faire face dans cette guerre qui faisait rage.
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1 an plus tard, Arkane décida de rejoindre sa fille chez les Rhönins lorsqu'ils firent face à une situation délicate. Ne reste désormais que Arkadia et Drazbel, bien que le mâle se doute un peu du futur que choisira sa bien aimée mère.